L’Ecole de tous les jours

J’ai 40 ans, j’administre une entreprise culturelle spécialisée dans l’accompagnement du spectacle vivant.
Enfant, au début des années 80, j’ai été instruite à la maison jusqu’à mon entrée au collège en 6ème.
La déscolarisation était un choix de mes parents, tous les deux impliqués dans une démarche intellectuelle de réflexion sur l’éducation, la pédagogie, mais aussi sur l’écologie du vivant. Ma mère était institutrice et mon père ingénieur agronome en reconversion professionnelle.
J’ai appris très tôt à répondre aux adultes qui me demandaient pourquoi je n’étais pas à l’école. Face à leur étonnement je m’amusais du haut de mes 6 ou 7 ans à leur réciter la loi Luc Ferry de 1882 qui dit que l’instruction est obligatoire et non l’école. C’était un plaisir d’en savoir plus qu’un adulte !
J’étais une enfant très curieuse, très vive, et l’instruction en famille a été un bonheur pour moi. Les meilleures années de ma vie d’étudiante.
Mon cadre familial était plutôt stricte car mon père était un peu “vieille école”, j’avais donc des “horaires”, et nous n’avions pas de télé. Mon quotidien se déroulait donc au rythme de la vie de la maison : faire le jardin, aider à la cuisine, lire, dessiner, accompagner mes parents à leurs sorties à la bibliothèque, au théâtre, .. Je faisais aussi quelques activités extrascolaires. Mon apprentissage scolaire était très informel et se faisait au grès des expériences : un jour, nous sommes allés voir un spectacle de danse du Burkina Faso et le lendemain il y a eu un coup d’état. J’ai donc appris ce qu’était un coup d’état, où était le Burkina, nous avons appris sa géographie et son histoire. Un jour un ami s’est cassé le bras et nous avons appris le squelette humain..
Rapidement, mes parents ont rencontré d’autres familles qui déscolarisaient aussi leurs enfants et nous faisions des “regroupements”, nous avons fait du théâtre ensemble, nous avons parrainé une petite fille en Inde et c’était l’occasion de la seule leçon de français du mois au moment de lui écrire le courrier mensuel. Nous avons fait plein de balades dans les bois et appris le nom des arbres, nous avons construit des bateaux pour les faire naviguer sur le lac. Nous avons construit un tipi, et nous avons fait des paniers en osiers. Nous avons joué de la musique et récolté du miel. Nous sommes allés faire de l’escalade et des randonnées en montagne. J’ai accompagné ma grand-mère à un voyage à Londres. C’était le paradis pour moi.
Il y avait des inspections, mais je ne me souviens pas ni d’inquiétudes de la part de mes parents, ni d’un sentiment de devoir bien faire ou de devoir suivre un programme. Mes parents étaient très à l’aise avec leur choix et je n’ai jamais senti de d’angoisse par rapport à un niveau à atteindre.
Par la suite les familles de mes amis ont déménagé pour s’installer près d’écoles alternatives, les regroupements se sont donc finis et j’ai voulu aller à l’école pour “voir”. Je n’ai eu aucun problème scolaire, je crois même que j’étais plutôt la meilleure de ma classe dans presque toutes les matières. J’ai eu plus de soucis d’intégration car je m’ennuyais. Je trouvais l’école peu stimulante. Je ne comprenais pas pourquoi il fallait apprendre les leçons pour ensuite faire des contrôles puisqu’on venait de tout nous expliquer. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde avait peur de parler aux adultes. J’ai alors passé mes journées à lire au CDI et j’ai demandé à mes parents de refaire l’école à la maison mais ils n’ont pas voulu (ou pas pu).
Je crois que ces années m’ont permis d’être l’adulte que je suis. Autonome, indépendante, curieuse et avec l’esprit de toujours essayer, entreprendre. Mais surtout de savoir que ce n’est pas parce que “tout le monde le fait que ça doit être comme ça”.

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